Alors qu’il s’apprête à retrouver l’AC Ajaccio où il a évolué cinq saisons durant, notre gardien titulaire nous a accordé une interview, à quelques heures de ce match si particulier pour lui. Auteur d’une fin de saison remarquée dans les cages de QRM, ponctuée par plusieurs titres d’homme du match décernés par les supporters, Ben’ Leroy revient sur ses performances, l’arrivée du nouveau coach, tout en se projetant sur son grand retour au Stade Michel Moretti. Après 168 matchs officiels sous la tunique blanche et rouge, il retrouve la Corse avec l’ambition de s’imposer pour préserver les chances du club de se maintenir. Lui n’est plus ajaccien, il est désormais Léopard, mais son passage sur l’Île de Beauté l’aura forcément marqué. Un entretien exclusif à découvrir ci-dessous.
QRM : Ben, nous voici à quelques heures de cette 35ème journée de Ligue 2 BKT, il reste quatre matchs à disputer, QRM est aujourd’hui 19ème du championnat. Avant de parler de la rencontre face à l’ACA, comment vas-tu ? Raconte-nous cette fin de saison ?
BL : Je vais très bien, comme l’ensemble du groupe. Individuellement, je suis dans une bonne période qui dure depuis un petit moment. Je suis confiant, à la fois pour mes prestations et pour celles du groupe. On a beaucoup d’envie, on s’est offert le droit d’être encore en vie malgré un début de saison difficile. On a été chercher cette chance-là avec beaucoup de travail. À choisir, je préférerais évidemment être déjà maintenu ou jouer plus haut, mais c’est un défi intéressant à vivre dans une carrière.
QRM : Le maintien est un sujet dont vous parlez souvent entre joueurs ? Comment le vivez-vous de l’intérieur ?
BL : Il y a une forme d’insouciance dans ce groupe vis-à-vis de notre jeunesse et du peu d’expérience qu’il y a dans ce vestiaire. Je pense que dans une situation comme la nôtre c’est une chance, même si cette insouciance est aussi ce qui nous a amenés dans cette situation. Les signaux d’alarmes n’ont peut-être pas été compris, ou pas pris en compte plus tôt. On calcule pas, aujourd’hui ce sont nous les chasseurs.
QRM : On se souvient de ta période délicate au mois de novembre au cours de laquelle Olivier Echouafni t’avait laissé sur le banc. En quoi le fait que Jean-Louis Garcia, qui est un ancien gardien, t’a aidé à te remettre en confiance ? Quelle relation entretiens-tu avec lui ?
BL : Il n’a pas eu d’impact particulier sur mes performances. Humainement, c’est une personne que j’apprécie beaucoup, avec qui ça a tout de suite collé. C’est quelqu’un d’entier, il est ouvert à la discussion et n’a pas peur de dire les choses. J’aime cette franchise, ça fait partie du foot, on n’a pas le temps de mettre des gants.
Personnellement, mon déclic a été cette mise sur le banc, qui m’a fait énormément de bien. Je suis arrivé à QRM avec beaucoup d’humilité, trop peut-être. Je pense m’être trop remis en question, trop voulu m’adapter ou prendre un rôle qui ne me correspondait pas. J’aurais du rester moi-même, reprendre du plaisir après cette saison en Ligue 1. J’ai repris les bases, tout en commençant à se parler franchement avec le coach Echouafni, comme David [coach des gardiens], avec qui on a mis du temps à se connaître. J’avais fait cinq ans à Ajaccio, là-bas on avait même plus besoin de se parler, ils savaient comment je fonctionnais et inversement. Que je sois bon ou pas, ce n’était même pas la peine de se parler.
Ici, ça a mis du temps à prendre. C’est normal, c’est le sport. Pendant cette période-là, on a fait une victoire et un nul, Kayne a été très bon. D’autant qu’il revenait de blessure, il est revenu avec beaucoup d’envie et de fraîcheur mentale. À cette période-là, les performances et les résultats étaient moins bons, c’était totalement mérité pour lui. Pour ma part, je me suis remis en question étant un compétiteur. Je savais ce que je pouvais apporter à l’équipe, et ce que j’apporte depuis ce match contre Valenciennes [J15 : QRM 0-0 VAFC]. Ce moment-là a permis de crever les abcès et de tout remettre à niveau. Désormais, ça se passe très bien avec David, on commence à se comprendre sans se parler, tout ça prend du temps, même les grandes équipes en ont besoin. Toutes proportions gardées, Manchester City a mis sept ans avant de gagner une Ligue des Champions. Quelque soit le sport collectif, il faut que la mayonnaise prenne. On a de très bons résultats depuis l’arrivée du coach, mais il nous manque cette série de victoires.
QRM : Cette saison, QRM a connu des scénarios assez rocambolesques et d’autres très ternes avec plusieurs 0-0, comment expliques-tu cette différence entre ces nombreux matchs nuls et à l’inverse ces matchs avec des buts à foison ?
BL : On a du mal à marquer des buts sans en prendre, de la même manière qu’on a du mal à en marquer quand on est solides défensivement, c’est ce qui nous pénalise. C’est vrai que cette série de quatre matchs sans encaisser de but aurait du nous permettre de gagner davantage. Il y a certainement un manque d’équilibre, on est très joueurs. On est peut-être une équipe qui doit tout simplement marquer un but de plus que l’adversaire, comme Auxerre par exemple. Toutes proportions gardées, quand on regarde le Bayern Munich, eux ne cherchent pas à prendre un but de moins mais en marquer un de plus. Peut-être qu’on est une équipe comme ça, c’est dans notre ADN.
Malgré tout, on a une force mentale et morale que j’ai rarement vue. Quand on pense au match de Rodez où on est menés 2-0 au bout de vingt minutes, il y a tellement d’équipes qui auraient lâché, nous on est revenus. Si tu nous avais laissé 5-10 minutes de plus dans ce match, je pense qu’on l’aurait gagné. Même contre Auxerre ; tu te fais égaliser à la 93ème par le premier, nous sur le terrain on savait que c’était pas mort, on le sentait.
QRM : Venons-en à ce déplacement du côté d’Ajaccio. Tu retournes là-bas en tant qu’adversaire après cinq saisons sous les couleurs de l’ACA, qu’est-ce que tu retires de ce passage en Corse ?
BL : J’ai du mal à dissocier le sportif de l’humain. Quand j’ai signé là-bas, on m’a dit « ça va te changer complètement ». Les valeurs sont incroyables, que ce soit l’amitié, la confiance, la parole donnée, la combativité. En signant là-bas, tu portes un maillot, mais aussi des valeurs. Ce sont des gens vrais, passionnés, simples et généreux. L’image que l’on peut avoir des Corses est souvent erronée. C’est une vraie terre d’accueil pour des familles de tout horizon. Ce sont également des gens très croyants, leurs valeurs sont vraiment profondes. Moi ça m’a changé complètement.
J’étais quelqu’un d’assez cool dans la vie et qui donnait déjà beaucoup sur le terrain, je pense avoir franchi un cap supplémentaire là-bas où tu donnes vraiment ta vie pour le maillot.
QRM : Tu nous parles beaucoup de valeurs. Peux-tu justement nous dire à quel accueil tu t’attends ce soir de leur part ? Toi qui est rentré dans la légende de ce club avec 168 matchs officiels sous leurs couleurs.
BL : Je m’attends à un bon accueil, j’ai d’ailleurs déjà des échos de personnes qui m’attendent. Au stade, on verra bien, je ne suis pas quelqu’un qui aime se mettre en avant. J’ai gardé des liens avec des gens là-bas qui ne m’oublient pas, et que je n’oublierai pas non plus. Même au sein de l’équipe, j’ai encore beaucoup de nouvelles de leur part. Ça va au-delà du foot là-bas. D’ailleurs, j’ai eu un appel du deuxième gardien de l’ACA juste avant que l’on démarre cet entretien !
QRM : Une dernière question sur nos supporters. On les a vus se déplacer à Annecy, à Rodez, même à Rennes la semaine dernière contre l’US Concarneau où ils nous ont donné le sentiment de jouer à domicile tellement ils chantaient. As-tu un mot à leur adresser ? Comment vis-tu ce soutien indéfectible ?
BL : Les Young Block sont de jeunes supporters, il y a une fraîcheur, une envie. Ils sont encore derrière nous. Il y a tellement de groupes de supporters qui nous auraient tourné le dos. J’ai été leur parler après le match contre le SM Caen, je les ai remerciés de ne pas nous lâcher. Bien sûr qu’ils ont un rôle à jouer, si on est encore en vie on le doit aussi à leur soutien. À domicile, si le stade était vide, ça serait encore plus dur. Souviens-toi du moment qu’on a passé contre Auxerre, il n’y avait peut-être pas dix mille personnes, mais eux ce sont des vrais. On a un objectif commun. Si dans l’engagement et dans les duels tu montres que t’as pas envie de lâcher, les gens te suivent. Il faut remercier tous ces gens-là qui viennent, on a envie de vivre avec eux d’autres grands moments. On a pour objectif de jouer une finale contre Saint-Étienne [J38, QRM-ASSE]. Il y aura du monde, si on en sort gagnants ce sera un souvenir fantastique. Avec Ajaccio, on s’est déjà maintenus plusieurs fois à la dernière journée, c’est l’équivalent d’une montée. Ça peut être magnifique.